Le rire est une affaire trop sérieuse pour le laisser aux valides (à ceux que l’on dit valides). Caroline Lhomme n’est pas avare de contrastes dans ce « Journal pas triste d’une survivante ».
Caroline Lhomme
« Oui, on m’a dessinée comme cela », affirme tout de go Caroline Lhomme quand on lui demande si elle est dans la vie comme dans son livre-BD. Spontanée, spirituelle, bonne vivante. « Oui, c’est moi, je suis exactement comme cela. J’espère bien qu’on ne doit pas s’ennuyer avec moi ! » Son livre, c’est donc elle, émaillé de mails qui narrent, depuis le début, ses mésaventures, ses joies, ses peines et ses douleurs. Depuis cette terrible rupture d’anévrisme qui l’a terrassée en 2001. Ponctués de caricatures, signées Florence Cestac.
Contrastes
« J’ai hérité de mon grand-père, qui avait énormément d’humour. Et de mon papa aussi. J’ai hérité des deux, je crois. Je faisais même le clown quand j’étais en réanimation. Je faisais rigoler mes malheureux copains qui étaient en train de pleurer à côté de moi. Les pauvres, ce n’est pas un coup à faire à ses amis. Ils ont eu une peur épouvantable. Et ils m’ont vue dans un état dramatique.Percée de mille trous, cruels, avec assistance respiratoire et tout ça. C’est vraiment affreux pour des amis…»
Le rire est une affaire trop sérieuse
Côté pile, côté face, dans son livre, comme dans la vie, Caroline Lhomme alterne les sujets sérieux et les pirouettes. Avec aisance et inventivité. Les élans de tendresse, mais aussi le ressentiment profond qu’elle exprime envers certains de ses soignants. Sa caricature préférée ? Celle en début de livre, dans laquelle elle brandit une pancarte où est inscrit le mot « Fuck ! * » face à un soignant qu’elle traite d’« horrible professeur Mabuse ». Personnage de fiction, génie du mal et de l’hypnose inventé par l’écrivain Norbert Jacques. Et héros d’un chef-d’oeuvre de Fritz Lang. « Elle est drôle cette caricature, elle m’a fait rire. Mais ça a fait pleurer ma maman. Ce maudit saligaud qui m’a ratée… »
Rupture d’anévrisme
Caroline Lhomme revient de loin. En mars 2001, elle subit une rupture d’anévrisme alors qu’elle était une jeune attachée de presse de la maison d’édition de bande dessinée Glénat. « Fuck » a été le premier mot qu’elle a inscrit sur son ardoise après l’accident. Elle se rend compte qu’elle est devenue hémiplégique. Elle se décrit plongée dans un « demi-monde ». Durant les premiers soins qu’elle a reçus, sa trachée a été déchirée. Mais l’opération qui a été menée pour la réparer n’a pas fonctionné.
« Journal pas triste d’une survivante »
« On a essayé de faire reconnaître mon accident en lien avec le stress au travail », lâche-t-elle. « J’ai tenté une procédure auprès de la “Sécu”. Ca n’a duré qu’un mois ». Peine perdue. Caroline Lhomme indique cependant qu’il y avait un « défaut préexistant dans le cerveau ». Peu après son accident, ses proches ont commencé à échanger des nouvelles par mail. Dès qu’elle a pu, lorsqu’elle est entrée en rééducation, elle a participé à ces échanges.
Flambeau
« J’ai repris le flambeau. J’ai, moi-même, raconté mes hospitalisations et mes entretiens d’embauches. Parmi mes amis, il y avait un éditeur qui, un jour, me dit “écoute, tes chroniques sont très drôles, je voudrais les relier”. Je le raconte à un autre ami, éditeur de bande dessinée, qui me dit “écoute, mieux qu’un livre, on va faire une bande dessinée” ». De fil en aiguille, Caroline Lhomme commence à travailler sur ce projet. Elle fait la connaissance de l’éditeur Hugo Desinge.
Acrobate
« Et voilà comment j’ai réalisé mon rêve de petite fille de devenir écrivain. Mon premier rêve était de devenir acrobate, mais ça, c’est
raté. » Quoique… Ses aventures au volant d’une Ferrari et au parc Astérix démontrent qu’elle y travaille encore… Caroline Lhomme a d’autres cordes à son arc. Journaliste, elle est aussi élue représentante de l’APF à Paris. « Je ne pensais pas que je pourrais un jour me passionner pour le handicap. Et finalement je me suis rendue compte que c’était un sujet vraiment très riche et intéressant. Je n’y songeais pas avant. Ca n’arrive qu’aux autres, c’est ce qu’on se dit
non ? »
Sérieusement fun
Et comme elle le dit, le handicap est une chose sérieuse, « mais pas forcément triste ». « Oh oui y a des gens qui n’apprécient pas l’humour, conclut-elle. Dans le milieu hospitalier, par exemple. Mais dans mon entourage ils apprécient bien. Ils préfèrent que je rigole plutôt que je sois là à pleurnicher… » Et, pour elle, c’est sûr, continuer de rire, c’est vital.
*Traduction la plus usitée : « Putain ! »
Caroline Lhomme « Bienvenue dans mon demi-monde » Illustré par Florence Cestac. Editions Hugo Desinge. 19,95 euros.
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Pierre Luton
© D.R.
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