Entre indignation et discriminations
Les 90 ans de la Fnath ont été l’occasion d’une rencontre émouvante et militante avec un « jeune homme » de 93 ans. Il s’agit de Stéphane Hessel, décédé en 2013. Ses parents ont inspiré l’histoire de « Jules et Jim« . Il a publié en 2011 un opuscule, « Indignez-vous« , qui a obtenu un grand succès. Lors de notre interview il nous a délivré plusieurs messages qui résonnent encore aujourd’hui, alors que la France connaît débats, vives contestations et manifestations de « Gilets jaunes« .
Manifestations
« On vit un moment de l’histoire où l’on rencontre une inquiétude assez générale. On se souvient des manifestations contre les retraites à l’automne 2010. Sans oublier la crise. Quand nous avons rédigé ce petit livre (« Indignez-vous»), nous pensions surtout à ces grandes valeurs de la Résistance et de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme qui ne semblent plus former le socle des projets d’aujourd’hui. Nous faisons face à ces défis : affreuse pauvreté, grande richesse, écarts croissants de richesses, injustices sociales… »
Recul
A la question de savoir si nous régressions, Stéphane Hessel s’inquiétait sans détour en effet : « Il faut dire que nous constatons un recul qui, selon moi, ne date pas de plus d’une vingtaine d’années. Il est l’effet d’une modification de l’économie globale qui a conduit notamment à cette crise. D’un côté, certains peuvent choisir l’indifférence, de l’autre, d’autres se sentent découragés. C’est contre ces deux attitudes que nous essayons de lutter ! »
Victimes
Il s’insurgeait aussi du fait que la thématique des personnes handicapées ne « rapportait pas ». « Les mieux lotis n’ont pas le temps de penser à ceux qui ont de vrais problèmes. Sur les plans mondial et national, ces dernières années ont connu des coupes franches dans les budgets sociaux. Au lieu de réaliser un équilibre où le social et l’humain l’emportent à l’évidence sur le profit, la sécurité et le budget, on fait savoir qu’on ne peut pas plus. Ceux que l’on considère à la marge sont les victimes de cette farce. »
L’Etat c’est nous !
Mais il appelait à un sursaut. « Après s’être indigné, insistait-il, il ne faut pas se laisser décourager. En se mettant ensemble, les peuples peuvent faire pression sur leur gouvernement. On peut faire progresser les questions qui se posent aujourd’hui : c’est vrai pour la pauvreté, la Sécurité sociale, pour les personnes handicapées, pour la Terre… Les gens devraient se dire : « l’État c’est nous ! » On a vu des peuples considérer que leurs dirigeants faisaient ce qu’ils pouvaient jusqu’à ce qu’ils en concluent qu’ils étaient mal gouvernés. C’est là que ça bascule en général… »
Solutions
« Sur le court terme, je ne suis pas optimiste », avouait-il enfin. Mais « nous qui avons connu l’Occupation, assisté à la fin de l’apartheid… nous savons que les problèmes qui paraissaient insolubles finissent par se résoudre. Le témoignage du « petit vieux » que je suis peut être un témoignage de confiance et d’espoir. »
Autres interviews
Interview également de Louis Schweitzer, président de la Halde (remplacée par le Défenseur des droits), de Pierre Joxe, ancien ministre et spécialiste du droit social. Sans oublier l’ouverture de la conférence nationale du handicap par Nicolas Sarlozy en 2011 et les prises de position de Marisol Touraine, ancienne ministre de la Santé, concernant les dépassements d’honoraires en 2013…